Emmanuelle Hoss : « Une ville sans commerces est une ville qui se meurt »

Emmanuelle-Hoss

Depuis trente ans, la Semaest, société d’économie mixte, conduit et accompagne la Ville de Paris dans ses projets de revitalisation de certains quartiers. Forte de son expérience, elle a mis au point de nombreux outils innovants au service des commerces de proximité et pour redonner vie aux centres-villes. Revue de détails avec Emmanuelle Hoss, directrice générale.

Propos recueillis par Magali Sennane

 

Quelles sont les missions de la Semaest ?

Nous sommes en quelque sorte le bras armé de la Ville de Paris en matière de protection et revitalisation du commerce et de l’artisanat de proximité. Nous disposons pour cela de différents outils. Tout d’abord, nous agissons sur le foncier en préemptant dans certains quartiers désignés par la Ville les pieds d’immeuble ou les murs. Nous y réalisons ensuite des travaux pour installer ou réinstaller des commerces de proximité. Ensuite, nous avons un rôle d’accompagnement et d’animation. Pour cela, nous menons plusieurs types d’opérations. Le programme CoSto, pour Connected Store, par exemple, a pour but d’accélérer la rencontre entre l’économie de proximité et l’économie de l’innovation.

Concrètement comment cela se traduit-il ?

Les commerces de proximité sont peu digitalisés alors que le consommateur utilise de plus en plus les outils digitaux. En parallèle, il y a de plus en plus de start-up qui développent des solutions numériques, mais qui n’ont pas les moyens de les tester in situ. Notre rôle consiste alors à proposer aux commerçants des solutions provenant de ces start-up. En 2018, par exemple, nous allons expérimenter le premier chèque cadeau 100% dématérialisé et 100% dédié aux commerces de proximité. Nous avons également un testeur de commerce. Il s’agit d’un commerce loué clé en main pendant une période de 15 jours à quatre mois et destiné aux créateurs de concepts innovants.

Pourquoi faut-il sauver les commerces de proximité dans les villes ?

Nous prenons de plus en plus conscience que le commerce de proximité, c’est l’âme, voire l’identité d’une ville ou d’un centre-ville. On constate ainsi qu’il existe de nombreuses externalités positives liées à ces commerces : ils créent du lien social, du bien-être, du vivre-ensemble, de la sécurité… En fait, une ville sans commerces, c’est rapidement une ville qui se meurt, une ville dortoir.

Il s’agit donc d’un véritable enjeu de société…

C’est un enjeu fondamental de société pour préserver la vie de la cité. Est-ce que nous voulons tous consommer la même chose et dans le même endroit ou est-ce que nous préférons que notre ville porte une singularité, une identité spécifique ? Quand vous allez chez votre boucher, chez votre fromager ou chez votre libraire, ils peuvent vous conseiller en fonction de vos goûts. Il y a une forte demande de la part des habitants et des touristes pour retrouver ce type de liens.

Outre les commerces vacants, quels sont les dangers d’une dévitalisation des centres-villes ?

C’est un enjeu dont on parle peu effectivement, mais il y a un autre danger, notamment dans les mégalopoles : l’uniformisation par les grandes enseignes. Aujourd’hui, des villes étrangères viennent même nous voir pour nous demander comment nous faisons pour maintenir des librairies, des petits commerces, des artisans à Paris. Ils se rendent comptent que leur ville perd petit à petit en attractivité. Donc il existe un enjeu d’attractivité économique qui n’est pas seulement celui de la vacance, mais également celui de l’uniformisation.

Comment expliquer cette uniformisation ?

Il y en a plusieurs raisons, tout dépend de la taille de la ville. À Paris, à cause de la rareté du foncier, dans certains quartiers touristiques notamment, seules les grandes enseignes ont la capacité de préempter. C’est pour cela qu’avec la Ville de Paris, nous ne faisons pas payer le pas-de-porte aux commerçants ou aux artisans que nous accompagnons. Parmi les causes, il y a également les grands centres commerciaux qui se sont développés en périphérie et qui ont capté le pouvoir d’achat au détriment des petits commerçants.

Vous avez pris part aux réflexions de la MGP sur la revitalisation des centres-villes. Comment envisagez-vous sa mise en œuvre ?

Il n’existe pas de solutions magiques et nous devrons y réfléchir ensemble. Tout dépendra des diagnostics territoriaux et à ce moment-là, nous identifierons les outils nécessaires, tant au niveau foncier qu’au niveau de l’animation et de l’accompagnement.

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