Son mandat de maire de Paris, depuis cinq ans, a été parsemé de nombreuses et parfois violentes controverses. Alors même que ses concurrents aux prochaines élections municipales multiplient les propositions sur le Grand Paris, Anne Hidalgo était restée discrète à ce sujet ces derniers temps. Elle dévoile en exclusivité pour notre magazine ses idées pour améliorer la gouvernance de la métropole, et appelle de ses vœux une « conférence des parties à l’échelle métropolitaine ». Elle revient aussi sur la polémique des voies sur berge – et sa « méthode » –, détaille ses projets pour transformer le périphérique, ou encore explique comment Paris « montre l’exemple » en matière de logements.
Propos recueillis par Bertrand Gréco et Gaspard Dhellemmes
La construction du Grand Paris semble au point mort. La réforme institutionnelle promise par Emmanuel Macron n’est toujours pas à l’ordre du jour. Le déplorez-vous ?
ANNE HIDALGO : Je ne le déplore pas spécialement. Ce qui m’intéresse, ce sont les actes. Bien sûr que pour aller plus loin, il faudrait sans doute une nouvelle réforme institutionnelle. La loi Maptam, qui a créé la Métropole du Grand Paris [MGP] en 2014, a eu le mérite de donner un cadre de travail aux maires. Je constate que le dialogue, l’échange, une certaine acculturation entre les acteurs ont permis des avancées concrètes sur le terrain. Quand Patrick Ollier [LR] a pris la présidence de la MGP, il m’a demandé : « Nous n’avons pas de budget, que peut-on faire pour développer l’esprit métropolitain ? » Je lui ai proposé de mettre à sa disposition la logistique utilisée pour l’appel à projets Réinventer Paris, qui avait si bien fonctionné. Nous avons monté l’opération Inventons la métropole, qui a levé 7 milliards d’euros d’investissement privés, dans des villes qui avaient du mal à attirer des promoteurs. La deuxième édition a permis de lever 4 milliards d’euros supplémentaires. Je mets au défi qui que ce soit de trouver une politique publique avec autant de retours sur investissement. Même sans réforme institutionnelle, le Grand Paris avance.
D’autre s exemple s de ré ussite s métropolitaines ?
A.H. : Il y a bien sûr l’obtention des Jeux olympiques et paralympiques de 2024. Je pense aussi à l’Arc de l’innovation, qui concentre à l’est de Paris les industries créatives, les entreprises du numérique, l’économie sociale et solidaire. Sur la Zone à faibles émissions [ZFE] à l’intérieur de l’A86, nous avons réussi à dépasser les clivages partisans, ce qui n’était pas gagné. Et ce, grâce à une implication personnelle de Patrick Ollier et de Daniel Guiraud [premier vice-président (PS) de la MGP, ndlr], qui ont pleinement conscience de l’impératif de santé publique en jeu. Les sondages montrent que 75% des habitants de la Métropole veulent des mesures de restriction de la circulation polluante dans leur commune. Dernier exemple : avec les quatre équipes pluridisciplinaires qui ont rendu début juin leurs préconisations pour « Les Routes du futur du Grand Paris » [appel à candidatures internationales lancé en mai 2018, ndlr], nous sommes parvenus à fournir un travail commun, métropolitain.
Vue d’artiste du périphérique en 2050 imaginé par le collectif Holos pour la consultation « Les Routes du futur du Grand Paris ».
Sur quels sujets avez-vous l’impression que la gouvernance du Grand Paris est mal adaptée ?
A.H. : Si vous prenez l’exemple des trans-ports, le système actuel ne fonctionne pas aussi bien qu’il le devrait. La Société du Grand Paris [SGP] est dans la main de l’État.; les départements et la Région siègent au conseil d’administration, mais sont minoritaires. De l’autre côté, vous avez Île-de-France Mobilités avec une présidence assurée par la Région ; là, l’État n’est plus dans le tour de table. Cette situation n’est pas normale : deux instances qui se regardent souvent en chiens de faïence et qui n’intègrent pas tous les opérateurs. Il vaudrait mieux avoir un seul espace de pilotage des mobilités où tout le monde travaille en-semble. C’est pourquoi à Paris, j’ai créé un Comité parisien des mobilités dans lequel j’ai réuni toutes les institutions, ainsi que les opérateurs publics et privés, y compris les taxis. Autre exemple : sur le logement, un clivage existe entre les maires de droite et ceux de gauche, lesquels veulent que le logement social soit mieux réparti et que l’on arrête de faire des emplois à l’ouest et des logements à l’est dans un contexte de transports saturés. Cette opposition pour-rait être dépassée si tous les acteurs étaient autour de la table. Cela permettrait de mieux orienter les décisions des élus.
Droits photo : © Erik Dessons – Illustration : © MyLuckyPixel + Lou Kat
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