Interview, Valérie Pécresse

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« MA VISION DE LA MÉTROPOLE, C’EST L’ANTI MÉTRO-BOULOT-DODO »

Tandis qu’elle tente au plan national d’incarner une alternative de droite à Emmanuel Macron, la présidente (ex-LR) de la Région Île-de-France entend participer à la construction d’une « métropole écologique », dont elle trace pour nous les contours. Adversaire de la première heure de la gouvernance actuelle du Grand Paris, Valérie Pécresse demande au chef de l’État la suppression de la Métropole présidée par Patrick Ollier (LR) et le transfert de ses compétences à la Région. Elle livre sa vision des transports dans l’agglomération parisienne et justifie son refus de la suppression du périphérique.

Propos recueillis par Bertrand Gréco et Gaspard Dhellemmes

 

Lors de la Biennale d’architecture et du paysage (Bap), en mai dernier, vous avez fait l’éloge de la vision du Grand Paris exprimée par Nicolas Sarkozy en 2007, tout en affirmant vouloir « l’incarner» à la place qui est la vôtre. Qu’entendez-vous par là ?
VALÉRIE PÉCRESSE : Je crois qu’aujourd’hui, si l’on veut un Grand Paris vraiment innovant et attractif, il faut tracer ses frontières à l’échelle de l’Île- de-France avec l’ambition de bâtir une métropole écologique. Le Grand Paris ne peut pas être un projet rétréci, il doit s’envisager avec des espaces naturels, des forêts, une alimentation locale, des lieux de respiration… Une vision conforme à celle qu’avait Nicolas Sarkozy en 2007, qui disait : Paris est trop petit, il faut ouvrir les portes et les fenêtres, et montrer le visage de la France au monde. Rappelons qu’en Europe, seules Londres et Paris sont des capitales métropolitaines. Nous devons créer quelque chose qui soit plus beau, plus fort, plus attractif, que Londres. Ce ne peut être, à mon sens, qu’une métro- pole régionale. Le Grand Paris de Nicolas Sarkozy allait de Roissy jusqu’à Évry, en passant par Versailles, Marne-la-Vallée et Disneyland, et s’intégrait même dans une vision qui s’étendait jusqu’au Havre. L’ancien Président était ainsi fidèle à la vision polycentrique de Paul Delouvrier [délégué général au district de la région de Paris de 1961 à 1969, ndlr], lequel avait envisagé de nombreux pôles de dévelop- pement en Île-de-France, et notamment en grande couronne avec la création des villes nouvelles. Le polycentrisme, cela signifie une bien meilleure qualité de vie : pouvoir travailler chez soi, éviter le
pendulaire. Ma vision de la métropole, c’est l’anti métro-boulot-dodo.”

 

Vous avez lancé un « appel solennel » à Emmanuel Macron pour qu’il relève « l’étendard du Grand Paris ». Qu’attendez-vous de lui sur ce sujet ?
V.P. : Non seulement cette Métropole qui ne contient que la petite couronne est trop petite, mais elle crée un deuxième périphérique. Y a-t-il la moindre pertinence à dire qu’il existe une frontière entre Antony et Massy ?
Entre Roissy et Tremblay ? Entre Gournay et Chelles ? Entre Orly et Montgeron ? Je demande au président de la République de supprimer la Métropole du Grand Paris [MGP], et de transférer ses compétences à la Région, en gardant les territoires [Etablissements publics territoriaux, ndlr] et les départements, qui sont le bon échelon pour faire du social. Nous ne pouvons plus avoir cinq strates de bureaucratie ! L’argent de la Métropole pourrait ainsi être rendu aux Franciliens, et du même coup on simplifierait la vie des porteurs de projet.
De même, les Régions devraient avoir le pouvoir de baisser la CVAE [cotisation sur la valeur ajoutée, ndlr] dans les zones où elles veulent attirer les entreprises. Tout le monde aujourd’hui veut s’installer à l’ouest. Comment attirer les entreprises à l’est ? Laissez-moi faire, comme le gouverneur de New York ou le maire de Londres, de la défiscalisation négociée avec des grands groupes pour les faire s’installer en zone rurale ou dans un quartier populaire. C’est un levier puissant pour réduire les fractures territoriales de notre région.

 

Comment expliquez-vous que la réforme institutionnelle du Grand Paris soit au point mort aujourd’hui, malgré le big bang annoncé par le Président ?
V.P. : La réforme est toujours sacrifiée sur l’autel des petits accords politiciens. Nous voulons pourtant une Métropole pour concurrencer Londres, être à la hauteur de New York, de Tokyo et de Pékin. Pour marquer le monde de notre empreinte, il faut j’insiste être à la bonne échelle. Londres, c’est 14 millions d’habitants ; Paris à l’échelle de la région, c’est 12 millions. Si l’on reste à 7 millions d’habitants [au sein de l’actuelle MGP, ndlr], nous serons derrière dans toutes les statistiques et tous les classements internationaux ; c’est absurde ! Emmanuel Macron doit avoir l’audace de s’affranchir de ce qui représente l’intérêt immédiat de son parti, LREM. Il doit cesser de s’imaginer qu’il lui serait plus facile de gagner la Métropole que la Région. C’était le raisonnement de François Hollande, convaincu que, grâce à la banlieue rouge, il pourrait remporter la MGP pour son ami Claude Bartolone. Résultat : ils ont tous perdu. Aujourd’hui, nous sommes à la veille des municipales : tous les présidents font l’erreur de se focaliser sur les élections locales… et ils les perdent à chaque fois. Pendant ce temps, ils ne réforment pas le pays. Nous aussi, à droite, nous avons commis cette erreur. Depuis qu’il est à l’Élysée, Emmanuel Macron m’a dit deux fois qu’il était d’accord avec moi sur la Métropole, mais depuis il ne s’est rien passé. J’ai peur que d’ici les municipales,
nous soyons encore… en marche vers l’immobilisme.

Droits photo : © Eric Dessons
Retrouvez la suite de l’article dans le dernier numéro du Magazine Grand Paris, disponible en kiosque ou par abonnement

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