L’ex-capitale aztèque s’est métamorphosée au fil des siècles en une mégapole tentaculaire, l’une des plus vastes du monde au XXIe siècle. Elle conjugue aujourd’hui innovations urbaines, pollution, gouvernance complexe, enjeux de pouvoir… Car elle fait figure de tremplin vers la présidence du pays pour les politiciens.
À l’origine était le lac de Texcoco. Près de sept siècles se sont écoulés, les conquistadors espagnols ont entre-temps déferlé sur le nouveau continent, et la ville aztèque de Tenochtitlan, perchée sur son île à 2 300 mètres d’altitude, n’est plus, tout comme les eaux qui l’encerclaient. Elle a laissé place à une mégapole gigantesque, définie par les institutions gouvernementales comme la « Zone métropolitaine de la vallée de Mexico » (ZMVM) dans les années 2000. Cette zone géostatistique, qui n’a pas de gouvernance propre, couvre aujourd’hui près de 1 900 km². Elle englobe les 16 « alcadías » (mairies) de la Ville de Mexico et ses 9,2 millions d’habitants, 59 municipalités de l’État de Mexico et une de l’État d’Hidalgo, au nord. Sa population s’élève à 22 millions d’habitants, ce qui en fait la mégapole la plus peuplée du continent américain et la 5e à l’échelle mondiale, selon l’ONU.
Ville-monde de premier ordre, Mexico est classée 17e par The World According to GaWC 2020, think tank britannique qui examine la puissance des villes dans la mondialisation, et la première d’Amérique latine (« ville alpha »). Un statut qui transparaît depuis quelques années dans sa morphologie : « Dans les années 2000, Mexico était une ville assez basse, un peu comme Paris, avec une skyline assez plate. La peur des séismes et le traumatisme de celui de 1985 [qui a fait près de 10 000 morts, ndlr] ont laissé des traces, les immeubles hauts ayant particulièrement souffert », explique Jean-François Valette, géographe à l’université Paris 8, spécialiste des systèmes urbains et auteur d’une thèse sur Mexico.
Depuis le début des années 2010, la ville, qui n’a pas échappé à la financiarisation du secteur immobilier, se verticalise : des gratte-ciels, immeubles de bureaux ou de prestige ont poussé dans les quartiers huppés de l’ouest et du centre-ouest de Mexico.
Jean-François Valette, géographe à l’université Paris 8, spécialiste des systèmes urbains.
« Depuis le début des années 2010, ajoute-t-il, la ville, qui n’a pas échappé à la financiarisation du secteur immobilier, se verticalise : des gratte-ciels, immeubles de bureaux ou de prestige, construits selon les normes antisismiques, ont poussé dans les quartiers huppés de l’ouest et du centre-ouest de Mexico. » Comme avec La Défense à Paris, c’est également en périphérie ouest que l’on retrouve le quartier d’affaires, appelé ici Santa Fe. Mexico connaît par ailleurs la même division sectorielle que la capitale française, qui oppose une zone ouest-sud-ouest favorisée à une zone est-nord-est défavorisée.
L’étalement urbain de la ZMVM qui se poursuit depuis 20 ans reflète aussi un double discours des pouvoirs publics, qui promeuvent la « ciudad compacta » (« ville dense »), mais qui dans le même temps favorisent les opportunités foncières portées par des promoteurs peu scrupuleux. « On a permis aux classes moyennes inférieures d’accéder à la propriété dans des zones parfois très éloignées des aménités urbaines, où l’on a construit des lotissements dans des zones non urbanisables », fustige Jean-François Valette. Quelque 700 000 logements standardisés, pour plus de 3,5 millions de personnes, ont ainsi vu le jour en 20 ans dans ces zones très périphériques. Avec dans certains quartiers « un taux d’abandon élevé, de l’ordre de 60 %… », les habitants fuyant la misère et l’insécurité qui les caractérisent.
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