Membre de la mission Castro sur le Grand Paris, l’architecte chargé de la rénovation de la place de la Bastille plaide pour un urbanisme basé sur la co-conception avec les usagers. Un principe que cet admirateur de Yona Friedman a déjà mis en œuvre dans des bidonvilles du Kenya et d’Afrique du Sud, dans des campements roms d’Île-de-France ou dans le camp d’accueil des migrants à La Chapelle. Ou quand l’architecture devient une arme politique.
Julien Descalles
Suppression du rond-point actuel, élargissement des trottoirs, création d’une vaste esplanade piétonne de 13 000 m2 reliant la colonne de Juillet au bassin de l’Arsenal, prolongée par un escalier accédant directement sur le bord du canal, plantation de 70 arbres, marquage au sol de l’ancien emplacement de la forteresse… Si les premiers coups de pioche ont été donnés en octobre, la place de la Bastille dévoilera définitivement son nouveau visage courant 2020. Un visage qu’auront co-façonné, en amont des travaux, les habitués des lieux, invités pendant deux ans à proposer, discuter, tester les futurs aménagements. Ainsi les patients malvoyants de l’hôpital voisin des Quinze-Vingts ont milité pour des fils d’Ariane – lignes en surplomb dirigeant les cannes – et le dénivelé le plus faible possible ; les riverains les plus âgées ont sollicité du mobilier urbain facilitant les haltes durant la traversée ; les services de propreté plaidé pour des matériaux de sol aisément nettoyables ; les adeptes du skate et du BMX partagé leurs vues sur les agrès et autres rampes indispensables à leur passe-temps…
« Une démarche de co-conception qui a pour ambition de remettre les citoyens au cœur de la construction de la ville, de leur redonner les outils afin de retrouver un espace public plaisant, où personne ne se sent exclu, où les rencontres sont de nouveau possibles », revendique Julien Beller, architecte à la tête du Collectif Bastille, chargé de ce travail collaboratif. Une dynamique que devra prolonger l’installation d’une conciergerie, à la fois bibliothèque, espace ludique, bureau d’information de quartier et de veille médicale.
Partager ses crayons
Pour l’architecte quadragénaire, admirateur de Yona Friedman et de son Manifeste de l’architecture mobile, rien de plus naturel que de partager ses crayons avec les fu-turs usagers d’un lieu à l’heure d’en dessiner les plans. À l’instar de son « Arche en l’Île » inauguré cet été, un immeuble de 26 logements à ossature bois à L’Île-Saint-Denis co-imaginé quatre ans durant avec ses futurs habitants. Choix des matériaux ou de volets motorisés, financement des travaux, réalisation des espaces mutualisés – toiture-terrasse avec sa serre, buanderie, salons ou cuisines communs, chambre de passage… –, toute proposition a fait l’objet de débats, parfois acharnés.
Droits photo : Portrait :© Denis Gueville – chantier : © Droits réservés
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