Né en 1958 en Norvège, Kjetil Thorsen complète son art O-Level à Sunningdale en Angleterre. Il s’installe à Graz en Autriche pour étudier l’architecture et obtient son diplôme Ing d’architecture en 1985. La même année, il part à Oslo et commence sa première pratique d’architecture privée. En 1987, il cofonde Snøhetta architecture and Landscape, une collaboration d’architectes et paysagistes. Il co-fonde également la première galerie architecturale de Norvège, Galleri ROM.
De 2004 à 2008, il a travaillé comme professeur à l’Université d’Innsbruck, où il a dirigé l’Institut pour les études expérimentales en architecture en étroite collaboration avec Patrik Schumacher de Zaha Hadid Architectes. En 2011, Kjetil s’est vu décerner le Prix RIBA International Fellowship Honour.
Le Grand Paris est un projet sans précédent portant sur la création d’une métropole internationale connectée aux pôles d’excellence d’Île-de-France. Par rapport à d’autres villes internationales, qu’est-ce qui rend si unique la participation à la conception de la région métropolitaine de Paris ?
La principale différence avec les autres grandes métropoles tient au fait que le Grand Paris ait cette conscience du besoin d’un schéma global de structuration à une telle échelle et avec autant d’ambition. Les projets qui se développent, qu’il s’agisse des transports avec le nouveau métro ou les nouvelles mobilités, des projets urbains comme celui des Lumières Pleyel à Saint-Denis que nous coordonnons ou des aménagements pour connecter la ville à la nature et au paysage participent d’un tout qui prend sa cohérence à l’échelle globale. Le Grand Paris est vraiment le seul endroit à travers le monde où nous comprenons et travaillons sur des projets qui doivent s’inscrire dans leur environnement immédiat mais aussi participer de cette macro-perspective.
L’année dernière, un studio Snøhetta a vu le jour dans la capitale française. Quels sont les atouts majeurs du Grand Paris pour les architectes internationaux qui souhaiteraient participer au projet ?
La France est un pays unique avec cette connexion à la culture qui n’existe nulle part ailleurs. La culture est dans la vie quotidienne, du lundi au dimanche, dans de multiples aspects de la vie.; alors que dans la plupart des autres en-droits dans le monde, la culture se pratique du vendredi au dimanche. Ici, et à Paris bien sûr, elle est partout à tout moment. C’est extrêmement stimulant pour nous que de pouvoir travailler dans un tel environnement !
En France, vous avez aussi, et c’est une chance unique pour nous architectes, cette attente d’esthétique tout en ayant le besoin d‘être surpris. Dans beaucoup de pays, en Amérique du Nord comme dans les pays nordiques, l’efficience prend souvent le pas sur le design, ce qui peut conduire à concevoir des bâtiments qui deviennent des commodités. Ici cela ne suffit pas, vous attendez plus et c’est cela qui nous plait.
Comment incluez-vous les différents contextes historiques au sein des métropoles ? Dans ce cadre, quelle approche adoptez-vous vis-à-vis du Grand Paris et de son héritage culturel ? Comment utilisez-vous les structures préexistantes pour modeler le futur Grand Paris ?
Paris est la seule ville à proprement parler que je connaisse dans le monde. Manhattan l’est aussi en quelque sorte mais est trop organisé. Londres est une constellation de villages. Au contraire, Paris a cette composition urbaine qui est à la fois le fruit de l’histoire mais aussi à venir avec le schéma du Grand Paris. C’est toujours un défi que de s’inscrire dans ces deux échelles spatiales et temporelles. Comment concevoir des projets, des bâtiments, des espaces publics, des parcs qui s’inscrivent naturellement dans le temps qui vient, en participant comme un palimpseste à la richesse du lieu ? il n’y pas de solution miracle et à chaque fois notre ambition est de développer une grande idée qui puisse devenir réalité pour un lieu particulier.
De manière concrète, quel est le princi-pe directeur de votre projet permettant de servir les intérêts des habitants et d’améliorer leur vie quotidienne en ville ? Comment envisagez vous l’aménagement des nécessités premières tenant à se nourrir, se mouvoir, travail et vivre au sein d’une ville internationale ?
Le Grand Paris pose cette question fascinante et éminemment complexe de ce que signifie de vivre en ville aujourd’hui et de comment faire pour que cela ne soit pas vécu seule-ment comme une contrainte pour ses habitants. La taille du Grand Paris fait qu’il existe cette diversité de polarités même si bien sur son cœur constitue un aimant très puissant. Dans la plupart de ces lieux, il y a cette diversité qui constitue la ville et notre action doit contribuer à la consolider. A titre d’exemple, nous travaillons actuellement sur la rénovation du théâtre de Nanterre Amandiers. C’est un lieu qui depuis 50 ans est à la pointe de la création théâtrale. Cela n’empêche pas qu’une des principales ambitions du projet soit l’ouverture du théâtre sur son environne-ment pour que les habitants en profitent plus largement. C’est ce type de démarche qui contribue au sentiment d’appartenance et de fierté.
Comment intégrez-vous l’environnement local ainsi que la nature dans le cadre de vos projets ? Comment est-ce que vos programmes anticipent et font face aux défis du 21e siècle ? S’inscrivent-ils dans un cadre durable tout en concevant la ville de demain ?
Bien sûr nous travaillons sur la qualité environnementale de chacun des projets et visons, à chaque fois que cela est possible, à augmenter son caractère vertueux. Nous travaillons beaucoup sur la réduction globale de l’empreinte carbone des projets. Nous avons des réalisations notamment en Norvège qui créent de nouveaux standards et que nous serions heureux de développer dans un pays comme la France qui est éminemment sensible au sujet. Cela reste un challenge car près de 40% des émissions de gaz à effet de serre proviennent encore des constructions. Cela doit s’inscrire dans une démarche. Cependant plus encore que la technique, nous sommes convaincus que c’est la responsabilité sociale à l’œuvre qui permet d’opérer cette transition. Au sujet du paysage, le Grand Paris dispose d’éléments exceptionnels et en premier lieu la Seine et ses affluents qui traversent la région. Il est troublant de voir encore le peu d’usage du fleuve, même si les pouvoirs publics sont conscients et ont commencé à agir. Il y a là un potentiel incroyable de reconquête au bénéfice du plus grand nombre.
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