La Maison du peuple à Clichy-la-Garenne, la Samaritaine à Paris, les tours Nuages à Nanterre : focus sur trois programmes immobiliers qui opposent les défenseurs du patrimoine et les tenants d’un apport contemporain.
Julien Descalles
1 – la Maison du peuple et le béton de la discorde
Prendre de la hauteur pour assurer la pérennité d’un bâtiment historique.? Telle est l’ambition de l’un des projets-phares de la première édition du concours d’urbanisme Inventons la Métropole du Grand Paris, qui propose la construction d’une tour de logements de 99 mètres dessinée par Rudy Ricciotti. Habillée de fibre de béton, elle surplomberait la Maison du peuple de Clichy-la-Garenne (92), classée aux Monuments historiques depuis 1983. Un casus belli pour les défenseurs du patrimoine : « On n’admettrait pas une extension au-dessus de Notre-Dame ! Comment dès lors pourrait-on laisser une telle surélévation écraser un édifice patrimonial ? Cette excroissance menace autant l’ensoleillement du site que la modestie du gabarit initial prévu pour s’insérer avec discrétion dans le tissu environnant », s’insurge Bernard Toulier, conservateur général du patrimoine et membre du conseil scientifique de l’association Docomomo France (pour la DOcumentation et la COnservation des édifices et sites du MOuvement MOderne).
L’historien de l’architecture rappelle que l’édifice à l’ossature métallique, signé Eugène Beaudouin, Marcel Lods, Jean Prouvé et Vladimir Bodiansky dans les années 1930, reste une référence de l’architecture modulaire grâce à son toit ouvrant, son plancher amovible et ses cloisons mobiles. « Qu’un monument historique puisse faire l’objet d’une telle opération immobilière, aussi fortes soient la croissance du coût du foncier et la densification causée par le Grand Paris, jamais nous ne l’avions imaginé. Nous sommes stupéfaits face à ce qui constituerait une première inquiétante », alarme de son côté Julien Lacaze, vice-président de l’association Sites et Monuments. Face à la modification du plan local d’urbanisme de juillet 2018 pour permettre de déroger aux règles de hauteur, deux recours ont été déposés au tribunal administratif de Cergy-Pontoise (95).
2 – La Samaritaine et la querelle sans fin autour de l’Haussmannien
La fin de la mue est attendue pour début 2020. Dessinée par l’agence japonaise Sanaa, lauréate du prix Pritzker, la Samaritaine newlook arbore déjà, rue de Rivoli (Paris 1er), sa façade ondulée en verre et en acier. Celle-ci re-couvre 20 000 m2 de bureaux, 26 000 m2 de commerces, 95 logements sociaux, une crèche et un hôtel de luxe dans l’ancien grand magasin face à la Seine. Un chantier de longue haleine, dévoilé en 2011 et évalué à 460 millions d’euros par LVMH, le propriétaire des lieux, qui aura longtemps opposé défenseurs du patrimoine et partisans de l’architecture moderne.
La nouvelle Samaritaine vue par l’agence japonaise Sanaa, au niveau du Pont-Neuf (Paris 1er) – © AGENCE IN SITU Vue-perspective vers Kong.
Lors de la suspension des travaux durant quelques mois en 2014 sur décision du tribunal administratif, l’architecte Christian de Portzamparc avait ainsi dénoncé « ceux qui veulent imposer un Paris transformé en triste et sombre musée, un Paris qui pourrait même “entrer en décadence” ». Vice-président de Sites & Monuments, l’une des deux associations qui avaient porté le recours avec l’appui de riverains, Julien Lacaze assume pour sa part la démarche. «.Il nous fallait remettre en cause les démolitions, d’une importance sans précédent dans la capitale depuis les années 1960, d’un îlot de façades pré-haussmanniennes et la volonté manifeste du projet de rompre avec le tissu urbain environnant », argue-t-il.
Droits Illustration : Vue d’artiste de la Maison du peuple transformée par Rudy Ricciotti, à Clichy-la-Garenne (92).© DR
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