Pierre-Antoine Gatier, architecte en chef des monuments historiques, plaide pour la préservation du patrimoine existant, y compris l’architecture industrielle ou les grands ensembles du XXe siècle. Mais, selon lui, rien n’interdit d’opérer des « transformations architecturales » sur certains édifices afin de leur offrir une « nouvelle vie ».
Propos recueillis par Julien Descalles
Le patrimoine est-il nécessaire pour construire la métropole moderne ?
PIERRE-ANTOINE GATIER : S’en passer serait une catastrophe. Parce que la ville est avant tout un territoire de mémoire, les nouveaux quartiers du Grand Paris ne peuvent faire fi d’un ancrage dans l’histoire longue. De plus, si l’on veut aujourd’hui densifier la métropole, c’est bien parce que la ville historique a été porteuse jusqu’à présent de développement, d’urbanité, de lien social. À nous de la restaurer, de l’adapter aux enjeux contemporains, d’en faire le support de la ville du XXIe siècle, mais sûrement pas de faire table rase ! Le patrimoine, le « déjà là » incarne assurément la résilience et la durabilité dont sont en quête les villes modernes. Et si l’isolation ou l’étanchéité est défaillante, il faut accepter de les transformer. Les remèdes existent. À Ivry [94], mon agence travaille ainsi à la rénovation de la tour Lénine, HLM des années 1960 signée Renée Gailhoustet, avec le double objectif de restaurer la façade originelle en béton brut tout en améliorant le confort de vie de ses habitants.
Tout l’existant devrait donc être sauvé ?
P.-A. G. : Je favoriserais toujours le « avec.» au « sans », mais me garderais bien de donner des leçons à qui que ce soit. Ce que je ré-clame en revanche, c’est qu’avant toute destruction, l’on cherche d’abord à interpréter, à identifier, à considérer l’objet architectural et qu’un projet « avec » soit étudié. C’est une démarche d’autant plus cruciale pour le patrimoine du XXe siècle.
Comment cela ?
P.-A. G. : Il est aujourd’hui le plus fragile, le plus menacé, faute d’avoir eu le temps nécessaire à la patrimonialisation, c’est-à-dire à sa compréhension, à l’identification et à l’appropriation par les penseurs de la ville comme par ses usagers. Cette reconnaissance a été faite avec le médiéval, le faubourien, l’haussmannien, bref, le plus ancien. Il faut désormais qu’elle se fasse pour les édifices plus modernes qui souvent racontent la mémoire des périphéries, des banlieues, du hors-centre, des territoires que le Grand Paris Express promet demain de rendre plus accessibles et donc d’en faciliter la découverte. À nous de préserver cette histoire passionnante de l’architecture industrielle, ferroviaire ou des grands-ensembles.
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