Après leurs succès électoraux aux européennes et aux municipales, les écologistes nourrissent de grandes ambitions pour les régionales de mars 2021, en particulier en Île-de-France. Le jeune patron d’EELV en personne, Julien Bayou, est candidat pour tenter de déloger Valérie Pécresse. Décryptage.
L’année 2021 sera-t-elle (encore) verte ? Tous les regards seront tournés vers Europe Ecologie Les Verts à six mois des élections régionales, qui plus est en Île-de-France. Forts de leurs bons scores aux européennes de 2019 et municipales de 2020, les écologistes veulent une fois de plus marquer les esprits avant l’élection présidentielle de 2022. Dans la première région d’Europe, leurs ambitions sont grandes. C’est le patron d’EELV en personne qui tentera de déloger Valérie Pécresse (Libres !) : Julien Bayou a fait acte de candidature fin août dans Le Parisien. Les militants d’EELV devaient confirmer son investiture dans la foulée.
À 40 ans, il s’agira de son premier grand combat électoral, après avoir échoué à être le candidat des Verts aux municipales à Paris – il avait dû s’incliner devant David Belliard. L’ancien activiste à l’éternel look d’adolescent ne devrait pas avoir de difficulté à faire mieux que les 8,03 % obtenus par Emmanuelle Cosse en 2015. « Julien a une aura médiatique et une capacité à mobiliser », souligne la secrétaire nationale adjointe d’EELV, Sandra Regol, qui rappelle que Julien Bayou a déjà une importante connaissance des dossiers franciliens « et des subtilités de la maison ». Il siège au conseil régional depuis plus de 10 ans. C’est d’ailleurs le seul mandat qu’il a occupé.
Le roi de l’agit-prop
Lors de son arrivée dans l’hémicycle régional, il était déjà identifié grâce à ses multiples coups médiatiques. D’abord avec Génération précaire, association fondée pour dénoncer la condition des stagiaires, puis avec Jeudi noir pour évoquer la crise du logement, enfin avec Sauvons les riches pour critiquer les inégalités. Ce roi de l’agit-prop qui n’hésite pas à se déguiser fait mouche. Eva Joly, qu’il admire particulièrement, en fait son responsable de la mobilisation lors de la présidentielle de 2012.
La capacité de mobilisation de Julien Bayou est intéressante, mais j’attends un discours concret et compréhensible.
Laurence Abeille, ex-députée EELV du Val-de-Marne
De là à imaginer une campagne régionale haute en couleur ? Rien n’est moins sûr. EELV veut faire la preuve de sa maturité. « Sa capacité de mobilisation est intéressante », loue d’abord l’ex-députée EELV du Val-de-Marne, Laurence Abeille, qui devrait occuper une place significative dans la campagne. Mais elle attend surtout « un discours concret et compréhensible » alors que son parti a « parfois manqué de clarté ». Cette proche de Yannick Jadot veut que les écologistes franciliens parviennent à toucher toutes les facettes de l’Île-de-France, des Gilets jaunes de Seine-et-Marne en passant par les quartiers populaires des banlieues. Et pas seulement le 10e arrondissement de Paris, où est implanté Julien Bayou. Dans une région très diverse, où l’aisance côtoie une extrême pauvreté, où des villes denses jouxtent des territoires ruraux, le scrutin sera un bon test pour EELV avant 2022. « Cette terre de contrastes rend cette élection passionnante », glisse Sandra Regol, qui promet une « campagne positive ».
Le mouvement s’attend toutefois à un véritable tir de barrage. Depuis plusieurs mois, tous les partis concentrent leurs attaques sur EELV. Lors de sa rentrée politique à Mennecy (Essonne), Valérie Pécresse a dénoncé « l’obscurantisme » d’EELV, qu’elle associe à « l’ultra-gauche ». « Les Verts franciliens ne sont, en réalité, pas écologistes, mais totalement rétrogrades et réactionnaires », fustige Othman Nasrou, le premier vice-président de la Région. « Ils sont opposés à la vidéoprotection dans les transports, au numérique dans les lycées et même à la climatisation dans les bus ! Ils défendent davantage la régularisation des sans-papiers que la transition écologique qui n’est qu’un prétexte pour eux », charge l’élu de Trappes (Yvelines).
Le verdissement des partis
Les macronistes ne sont pas en reste. Alors que le député apparenté LREM de l’Essonne Francis Chouat juge qu’il « ne faut pas exclure » une victoire d’EELV, les stratèges du parti présidentiel aiguisent déjà les éléments de langage contre les écologistes. « EELV va bénéficier, comme aux municipales, de l’intérêt croissant des électeurs pour les sujets environnementaux. Ils peuvent gagner une ou deux régions, et transformer ces régionales en rampe de lancement pour leur candidat à la présidentielle. Notre enjeu va être de montrer aux électeurs qui ils sont vraiment : des dogmatiques, qui prônent une écologie de restrictions, d’interdits. Nous devons nous emparer du sujet et affirmer une écologie du progrès », avance un poids lourd de la majorité.
Nos victoires obligent les responsables politiques à verdir leurs propositions. Mais ce n’est que de l’impressionnisme !
Sandra Regol, secrétaire nationale adjointe d’EELV
Emmanuelle Wargon, la ministre déléguée au Logement qui caresse l’ambition d’être la cheffe de file de LREM, pourrait ainsi mettre en avant son expérience dans le gouvernement Philippe – où elle était chargée de la Transition écologique et solidaire – pour empiéter sur l’électorat écolo. Mais Sandra Regol met en garde : « Nos victoires obligent les responsables politiques à verdir leurs propositions. Mais ce n’est que de l’impressionnisme ! Ils ne font du vert que pour faire joli », raille la numéro 2 d’EELV. L’accusation vaut également pour Valérie Pécresse qui, à la tête de son parti « Libres ! », ne cesse de se présenter comme une responsable de droite sensible aux questions environnementales. Sans convaincre Julien Bayou qui a estimé dans la presse qu’elle avait « considérablement abîmé » la région depuis son élection.
« Elle ne fait que de l’affichage, il est vrai avec un certain talent. Mais elle détruit systématiquement toutes les politiques volontaristes », avance Laurence Abeille qui n’apprécie pas que l’ex-ministre UMP ait milité pour faire venir à Paris les entreprises du monde de la finance qui fuient le Brexit. « Elle, c’est l’attractivité et la compétitivité ; nous, c’est la solidarité », résume-t-elle. Ainsi Julien Bayou s’oppose à certaines infrastructures qui ont reçu l’approbation de la Région, tel que le Charles-de-Gaulle Express, la future liaison rapide entre la gare de l’Est et Roissy.
De toute façon, « il n’y a pas d’écologie sans les écologistes », tranche Sandra Regol, qui plaide pour un rassemblement avec des petits partis écologistes autour d’EELV. Une déclaration qui irrite au PS. Le nom de son candidat n’a pas été arrêté mais les grandes ambitions des Verts agacent le principal parti d’opposition au conseil régional, qui a dirigé l’Île-de-France de 1998 à 2015 avec Jean-Paul Huchon. Les socialistes refusent de s’effacer si facilement et il est peu probable que PS et EELV s’allient avant le premier tour. Sauront-ils entamer une dynamique de rassemblement pour le second tour ? Les Verts s’y voient déjà. Les premiers sondages décevants pour eux (1) n’entament pas leur ambition francilienne.
Tristan Quinault Maupoil
(1) Selon l’enquête Ifop pour La Tribune et Europe 1 parue début septembre, Valérie Pécresse obtiendrait 29 % des voix au premier tour (contre 30,5 % en 2015) ; le candidat LREM testé, Jean-Michel Blanquer, 19 % ; Julien Bayou, 16 % ; le RN Jordan Bardella, 14 % ; et le socialiste Rachid Temal, 9 %. Attention cependant : à part l’écologiste et, très probablement, la présidente sortante, aucune de ces personnalités n’a exprimé à ce jour la moindre intention de se présenter à ce scrutin.